HELL’S CLUB: QUAND LE CINEMA PARLE DE CINEMA AVEC DU CINEMA

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A l’occasion de la sortie du 3ème volet de la saga Hell’s Club Bathroom Secrets d’Antonio Maria Da Silva, voici une courte liste des 10 idées les plus vertigineuses de ses mash-ups. Il serait trop long de lister tous les liens, tous les mélanges, tous les croisements, mais certains résument à eux-seuls la beauté du projet, qui est de créer un espace où tous les personnages de film peuvent co-exister et s’éclater. Dans le Hell’s Club, il n’y a plus de règles, pas de limites de versions d’un acteur ou d’un personnage. Le temps et l’espace n’ont aucune prise, seule compte l’expérience de la boite. Le cadre, le dancefloor, Al Pacino en tenancier, Blade et Jean-Claude Van Damme à la sécurité, Tom Cruise au bar et Daft Punk aux platines sont là pour vous offrir une nuit de rêve. Ce qui crée la magie, au-delà des filtres permettant d’uniformiser tous les films sous une seule ambiance qui les réunit, c’est l’intelligence des interactions crées. Rien n’est laissé au hasard et le mélange est génial : voir des mondes séparés ensemble, boire, danser, et parfois s’entre-tuer. Voilà un échantillon de ce que peut donner l’imagination d’un monteur très doué.

HELL’S CLUB

 

1/TRAINSPOTTING vs ATTACK OF THE CLONES
Non seulement la version Transpotting est surprise de voir son futur, mais en plus il voit son double plus âgé dans la seule scène où Obi-Wan parle de drogue et décourage un junkie de lâcher ses « bâtons de la mort ». La nuance junkie répond à la nuance clean. Et le mash-up pose ainsi ses bases, en aimant exploiter des versions antithétiques d’un même acteur.
2/COCKTAIL meets COLLATERAL
Un sacré moment pour un acteur de se voir éternellement jeune alors que sa réputation le décrit comme le narcisse ultime et un homosexuel refoulé. Une autre scène joue sur ce sous-entendu avec un autre scientologue en la personne de Travolta période Saturday Night Fever aguichant du regard un Anakin Skywalker froid à ses charmes.
3/SCARFACE vs CARLITO’S WAY
Peut-être la meilleure idée de tout le mash-up. Scarface et Carlito’s way (L’Impasse en VF) sont deux films de Brian De Palma tournés à 10 ans d’écart qui se répondent. Scarface montre l’irrésistible ascension d’un parrain de la drogue qui va devenir le symbole de l’excès, tandis que Carlito’s Way montre un malfrat repenti qui tente a tout prix d’échapper à son passé criminel. Ils sont les deux facettes d’une même pièce, l’un est l’anti-thèse de l’autre et pourtant ils sont au fond tous les deux le même : Al Pacino, avec ses crises de colères légendaires et son absolutisme. Leur regard échangé pourrait aboutir à un duel a mort. Ils se reconnaissent l’un dans l’autre. C’est un moment de grâce, suspendu, qui renvoie à la tragédie inéluctable de leurs deux trajectoires. Qu’elles se croisent enfin, même dans un mash-up, crée de la pensée sur ces deux personnages, et confirme (si c’était encore nécessaire) que le personnage de Benny Blanco joué par John Leguizamo est un Doppelgänger de Tony Montana. Le mélange des deux références crée donc de la pensée originale. Ironiquement, seul Montana survit au mash-up.
4/BASIC INSTINCT vs CASINO
Dans les deux films, Sharon Stone joue une garce manipulatrice spécialiste dans le chantage à l’émotion, mais surtout une femme au pouvoir dans le couple, dominant totalement Michael Douglas dans le premier, et Robert De Niro dans le second. Ce qui rend le moment intéressant, c’est que rendre le De Niro de Casino jaloux fait que cette Sharon Stone pourrait autant être son personnage de chez Verhoeven que celui de chez Scorsese.
5/SATURDAY NIGHT FEVER vs PULP FICTION
Le point commun des deux films étant que Travolta a crée pour chacun un mouvement de danse repris partout dans le monde. Mais 20 ans les séparent. Le moment est très court, un simple plan, mais qui force le regard sur Travolta-vieux presque gêné ou du moins indifférent à Travolta-jeune faisant le mariole sur le dancefloor. C’est une opposition des deux styles, et qui suggère le poids lourd du film culte sur la carrière de Travolta jusqu’à l’arrivée de Tarantino. Point commun avec les deux Pacino : c’est encore l’incarnation la plus vieille qui meurt, le jeune survit.

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6/LIAISONS FATALES vs BASIC INSTINCT vs CASINO
L’histoire avec Douglas/Stone/De Niro se poursuit avec l’inclusion de la totalement cinglée Glenn Close de Liaisons Fatales. A noter que Sharon Stone est cette fois dans les bras de De Niro. Mais ce que le mélange pointe du doigt, c’est qu’il faut croire que tous les films cultes avec Michael Douglas tournaient autour d’histoires de femmes folles qui le persécutent : Basic Instinct, Liaisons Fatales, Harcèlement
7/DIRTY DANCING VS GHOST vs GHOSTBUSTERS
Voilà un des plus beaux moments de la saga Hell’s Club : Patrick Swayze version fantôme dans Ghost croise Swayze dans Dirty Dancing. C’est magnifique parce que ça évoque forcément la mort de Swayze et son regard attendri sur ses années de gloire. Ce qui est hilarant, c’est que qui dit « ghost » dit « ghostbusters », et voilà que la fine équipe de 84 débarque fusil à protons à la main pour capturer Swayze. Encore plus ironique : c’est Egon qui le déclare enfermé alors que son interprète Harold Ramis nous a aussi quittés. Et plus étrange encore, la scène qui suit montre Cynthia Rhodes dans sa choré de Flashdance qui lui fait ressembler à… la forme humaine de Gozer dans Ghostbusters ! C’est l’un des moments où on perçoit le mieux le travail de son auteur, Antonio Da Silva, c’est l’association d’idées qui fait mouche alors que la première n’a plus rien a voir avec la dernière. Un téléphone arabe cinéphilique où tout fait sens… avec une logique élastique.
8/ALIENS vs SNAKE PLISSKEN + ROSE de TITANIC + DECKARD de BLADE RUNNER
Dans la seconde moitié de Hell’s Club 2, les Aliens attaquent la boîte et commencent à buter tout le monde sur leur passage. Trois moments restent assez singuliers sur le plan cinéphilique. Tout d’abord le regard de Snake Plissken (version Los Angeles 2013) face à un alien, parce que Snake a été crée par John Carpenter. Et le film de fin d’études de Carpenter était ? Dark Star, qui était le brouillon de Dan O’Bannon qui allait servir de base à ?…. Alien de Ridley Scott. La boucle est bouclée.
Ensuite, le mash-up recrée le moment culte d’Alien 3 en remplaçant Ripley par Rose/Kate Wislet de Titanic. Là, le lien est plus évident : James Cameron a réalisé Titanic et Aliens. Qu’un passage d’Alien 3 de Fincher croise un personnage de Cameron est assez bien vu, puisqu comme chacun sait, Alien 3 s’était fait un malin plaisir à saboter tout ce que l’opus magistral de Cameron avait construit en butant tous les personnages secondaires survivants du 2 dès le générique d’ouverture du 3.
Enfin, Harrison Ford version Blade Runner fait face à un Alien lui aussi. Là le lien saute carrément aux yeux, les deux franchises ayant été initiées au cinéma par Ridley Scott.

HELL’S CLUB : BATHROOM SECRETS

9/WHERE’S THE MONEY LEBOWSKI ?
Bathroom Secrets déplace l’action de la boîte dans les toilettes. Il met en avant un effet répété de ce type de lieu : la tête dans les chiottes, avec le plan face caméra du malheureux au fond du trou. Le mash-up place judicieusement le film qui a lancé la mode : The Big Lebowski des frères Coen. Puis, le tour de Elle, Daryl Hannah dans Kill Bil Vol. 2 de Quentin Tarantino, puis Benicio Del Toro dans Sin City. Le point commun entre ces deux derniers ? Quentin Tarantino a réalisé et co-réalisé des scènes de Sin City, et en particulier le segment avec Benicio Del Toro. Un an a peine sépare la sortie des deux films, le plan est identique, le mash-up met en avant que le copieur s’est copié lui-même en même temps qu’il rappelle la notion de mash-up inhérente à la filmographie de Tarantino, allant jusqu’à reprendre ses propres références.
10/TRAINSPOTTING meets THE ABYSS and TITANIC
L’épilogue de Bathroom Secrets emprunte le passage le plus onirique de Trainspotting qui se mélange à Abyss et Titanic. En explorant les fonds marins des toilettes du Hell’s Club, il étend la mythologie du lieu, qui se prolonge à l’infini, dans toutes les directions. Il dévoile ainsi la seule limite du mash-up : l’imagination. Vivement le prochain.
Maxime Solito
Pour aller plus loin, retrouvez les interviews d’Antonio Maria Da Silva à l’occasion de la sortie d’Hell’s Club et Hell’s Club 2.