événement spécial : sortie de Hell’s Club, another night !

entrée Hell's Club

 

Oyez, oyez, lecteurs, surfeurs et badauds du grand cirque digital. « Venez comme vous êtes » comme dit le gros philosophe McDonald. Car le 2 mars 2016 est une date importante pour les amoureux du 7ème art et de l’hybridation en tous genres. Le cinéma « filmeur » a eu sa sortie la plus attendue de l’année avec Star Wars, épisode VII. Le cinéma d’emprunt de l’ère numérique a la sienne : Hell’s Club, épisode II !

Il n’apparaît pas au box office officiel et je suis peut-être le seul à le dire. Pourtant, il suffit de savoir lire et compter pour se rendre compte que le premier épisode a été le film français le plus vu au monde l’an dernier. Il a ravi plus de 13 millions d’internautes à travers la planète, a été publié sur les sites de géants de la presse comme le Time, USA Today ou encore Les Inrocks, France Inter et Canal + pour ne citer qu’eux.  Et si ce film fait son miel du cinéma POP américain, il a su rassembler des cinéphiles de tous poils et de toutes confessions. Ce tour de force, nous le devons à son réalisateur-mashupeur Antonio Maria Da Silva. Il travaille seul et ne doit rien à personne. Mais pour la sortie de son nouveau film, il a voulu porter l’étendard Mashup Cinéma et nous a accordé sa première interview à chaud. Ainsi, il assume son rôle de chef de file de cette Nouvelle Vague Mashup que nous défendons contre vents et marées. Avant de basculer dans la dithyrambe et la flagornerie, je vous laisse découvrir HELL’S CLUB, another night !

https://vimeo.com/157511357

Alors ? Cela vous a donné envie d’en savoir plus sur l’intérieur du cerveau malade qui a créé cet OFNI ? Dans cette entrevue, Antonio Maria Da Silva nous a raconté ses méthodes de travail et nous a donné un avant-goût corsé de ce qui va suivre.

 Bonjour Antonio. Je devrais dire Monsieur Maria Da Silva mais dans le cinéma Mashup, le respect que nous avons pour le travail des autres se traduit plus en actes qu’en conventions de langage. Et puis on se connait un peu (sourire). Justement sachant les centaines de nuits que tu as passé pour réaliser “Hell’s Club, another night”, ma première question est la suivante : comment te sens-tu quelques instants tout juste après ton final cut ? Coppola disait “On ne termine pas un film, on l’abandonne.” Tu confirmes ?
Antonio Maria Da Silva : Bonjour Julien, alors comment je me sens , je suis épuisé (sourire). Plus sérieusement c’est toujours un déchirement de laisser partir le bébé (même s’il est monstrueux) comme l’est la partie 2 de HELL’S CLUB. C’est un vrai plaisir de réaliser ces mashups mais aussi de gros sacrifices et une bonne dose de stress surtout après le premier qui est considéré – c’est pas moi qui le dis (sourire) – comme un « chef d’oeuvre » dans ce domaine. D’ailleurs ça m’a bloqué un temps par peur de ne pas être à la hauteur de mon travail précédent. Surtout que dans mon cas, je ne montre à personne mes mashup avant, je montre des bouts de scènes mais jamais fini, donc c’est sans filet ou presque.
C’est aux gens qui vont le voir et non à nous de dire si ce deuxième opus est meilleur que le premier. Mais au-delà du ressenti de chacun, selon-toi en quoi est-il différent ? Pour ma part, j’ai l’impression qu’il y a les mêmes ingrédients; tu as même parfois repris certains types de plan comme le personnage se reflétant dans les multiples miroirs. Et pourtant, il prend une autre dimension, déjà en terme de durée puisqu’il fait presque le double du premier.
AMDS : Concernant la durée, ce n’était pas volontaire au départ. J’avais prévu dans les 12 minutes et j’ai un peu dépassé (sourire). Je n’ai pas encore assez de recul pour dire ce qui est différent dans ce deuxième épisode mais je me suis fait plaisir au delà de toutes limites et je pense que les gens le ressentiront. Oui il y a les même ingrédients que dans le premier car c’est une vraie suite, la « déco » est la même. La problématique des suites est souvent complexe, le public veut à la fois que ça ressemble et que ça ne ressemble pas, tu vois ce que je veux dire. Des suites trop semblables ou trop différentes font fuir les spectateurs. Il faut trouver un juste milieu.  Alors pour cette suite d’Hell’s Club, j’ai appliqué la méthode « James Cameron », à l’image d’Alien 2 ou Terminator 2. James Cameron a l’art de transformer les mêmes éléments, de les mélanger et des les rendre plus spectaculaires, ce qui fait que les spectateurs retrouvent et reconnaissent leurs personnages mais dans un environnement différent. Ils ont l’impression de voir un film à la fois différent et familier. C’est ce que j’ai essayé de faire avec ma suite. J’ai souffert, crois moi (sourire). 
Quel est ton rapport aux films empruntés ? Bien sûr, j’imagine que ce sont des films qui t’ont marqué. Mais jusqu’où va ton fétichisme ? Par exemple, est-ce que tous les films cités sont des films aimés ou y a-t-il un plan que tu as pris juste parce qu’il était beau ou/et qu’il collait à ta narration ?
AMDS : Mon rapport aux films empruntés est très simple. Ce sont des films que j’aime pour différentes raisons et des films que je n’aime pas spécialement mais qui ont des scènes ou des personnages qui ont marqué l’inconscient collectif, et donc mon inconscient aussi. Prenons le cas THE MASK. Le film n’est pas très bon mais le personnage excellent et iconique donc j’extrais la « substance » du personnage pour l’intégrer dans mon univers. Les deux ALIENS VS PREDATOR ne sont pas de bons films (surtout le deuxième) mais les Aliens y sont « très beaux » et m’ont donc énormément servi pour mon film. Mon but est de transformer les images, de les malaxer pour qu’elles deviennent miennes. Ce n’est pas une question d’aimer un film ou un personnage mais plutôt de comprendre ce qu’il représente pour le public dans la pop culture. Au passage, ce qui est marrant, c’est que des personnages pop très célèbres ne sont que de simples figurants dans mon film. Le tout est mon message d’amour à cette pop culture que j’aime tant (sourire). Hell's Luke James
En effet, les HELL’S CLUB sont des créations qui parlent directement à nos souvenirs de cinéphiles. Ils reposent en premier lieu sur la jubilation du spectateur de voir réunis tous ces personnages adulés. Mais cela ne fonctionnerait pas s’ils étaient juste les uns à côté des autres. Ce qui crée le plaisir c’est de les voir dialoguer et c’est cela que tu apportes avant tout. A quel moment décides-tu de mettre en relation tel et tel personnage ? Est-ce la mémoire et l’intuition qui te font trouver les bonnes combinaisons ou la manipulation des plans au montage ?
AMDS : Etant cinéphile pop moi-même, je le fais pour moi avant tout (sourire). C’est ma propre jubilation que je transmets. J’utilise ma mémoire en premier lieu et puis ensuite quelques recherches. Je pense qu’il faut d’abord comprendre le sens de certaines scènes. La plupart des plans montés dans les films ne sont pas là par hasard , ils servent une certaine logique thématique. Une fois que j’ai détecté cela, je peux par exemple utiliser les images d’INVASION LOS ANGELES (THEY LIVE en anglais) et de TERMINATOR et créer une collision entre les deux univers. Ainsi, le personnage d’INVASION LOS ANGELES a des lunettes qui lui permettent de voir les « intrus » cachés derrière leur peau humaine et qui veulent dominer l’humanité. Dans TERMINATOR, SkyNet et les terminators veulent également mettre au pas l’humanité. Dans mon univers, les lunettes lui permetteront donc de voir l’endosquelette du TERMINATOR qui se cache derrières sa peau humaine :  d’un seul coup les thèmes de ces deux films se rejoignent dans HELL’S CLUB ! Ce sont les thèmes qui me guident avant tout. Un autre exemple : quand j’utilise les images de BEETLEJUICE, ce n’est pas anodin. Car dans l’histoire de BEETLEJUICE, la porte mène à « l’enfer ». Or le HELL’S CLUB est en quelque sorte l’anti-chambre de l’enfer. Un dernier exemple, la scène avec Eddie Murphy. Elle est là car j’avais envie de faire comprendre qu’il était le premier acteur noir à cartonner dans le cinéma pop et qu’il voit d’un mauvais oeil les nouvelles générations d’acteurs noirs prendre sa place dans le coeur des spectateurs. A la fin du film, seul Denzel Washington est encore là car il est, selon moi, celui que l’on respecte le plus. Son aura est toujours intacte contrairement aux autres. Sous le vernis du pur divertissement, mon approche est en fait très conceptuelle. 

 

Au delà de la jubilation cinéphilique, je trouve que la force d’Hell’s Club réside dans ses symboles et ses mises en abyme. Les personnages-films se rencontrent dans le lieu de rencontre cinématographique par excellence : le bar-boîte de nuit. Ils se voient dans les miroirs et le côté bestial de Tony Montana ressort sous les traits d’Alien. Est-ce pour cette raison que tu as choisi Alien comme personnage principal ?
AMDS : Tout à fait. Ce sont les métaphores et les mises en abyme qui m’intéressent avant tout. C’est en quelque sorte l’histoire de la pop culture qui est racontée. Par exemple dans la scène avec Patrick Swayze, j’ai voulu faire revenir le « vrai » fantôme de l’acteur qui regarde son personnage de DIRTY DANCING. Il est d’abord surpris de se voir tel qu’il était au plus haut de sa gloire. Ensuite, il est heureux de constater que c’est cette image intacte que les gens garderont de lui. Mais Hell’s Club est un film pop avant tout, donc il est aspiré par les Ghosbusters (sourire). Emprisonné, comme figé dans le temps. Les « méchants Aliens  » sont le mal absolu dans la pop culture. Tony Montana est un homme rongé par le pouvoir. Il ne peut rien face au mal absolu sans émotion, sans la conscience de faire le mal comme le dit très bien Marlon Brando à la fin du film (sous-titres désormais dispo sur la video de youtube). 

hell's daft

Avec la présence à l’image des Daft Punk et la bande son habitée de remix musicaux , tu mets clairement en valeur la culture du sample et du dj qui sont à l’origine de la création mashup d’aujourd’hui. Et au début tu montres des photos accrochées sur les murs qui sont tout à la gloire des acteurs représentés. Es-tu d’accord pour dire que ton film est avant tout un film hommage ?
AMDS : C’est un hommage total et sans condition à la pop culture cinéma ET musique. Le sample est une constante qui évoluera encore dans le temps. Je précise que j’étais DJ avant (sourire) et j’adore mélanger musique de film et dance music. Les Daft Punk étant de grands sampleurs, c’était une évidence qu’ils se retrouvent dans le HELL’S CLUB. Pour la séquence du début avec les photos sur le mur de la boîte de nuit, c’est aussi une idée scénaristique qui rappelle ce qui s’est passé dans le premier épisode. 
Ne pas « écrire sur le papier » mais tout penser au montage, cela ne serait-il pas ça la différence centrale entre le geste « cinéma mashup » et le geste « cinéma filmeur » ? Le montage est une seconde écriture pour tout film de cinéma, qu’il soit cinéma filmeur ou cinéma mashup. Mais dans le mashup, tout se créé avec les images. Rien ne préexiste. Certains cinéastes du mashup aiment à montrer les sutures, les contours des pièces du puzzle. Toi, tu mets toute ta force technique à les effacer. Et tu mélanges à l’intérieur même des plans. Au-delà de la retouche colorimétrique qui harmonise le tout, il me semble que dans ton film, il y a une majorité de plans où plusieurs films sont à l’écran. Je me trompe ?
AMDS : Non, c’est exactement ça : dans 70 % des plans de Hell’s Club, il y a plusieurs films empruntés, jusqu’à 7 films dans une même image. Je considère ma démarche comme de la réalisation totale, le coté technique est juste là pour m’aider. Et oui j’essaie d’effacer le plus possible les coutures entre les films et j’y arrive la plupart du temps. Je veux que le spectateur oublie que c’est un mashup et se croit être devant une fiction réalisée de toutes pièces.
L’emprunt a toujours existé dans l’art. Mais es-tu d’accord pour dire qu’il est particulièrement pertinent aujourd’hui ? Le mashup est très ancré avec notre époque de profusion des images qu’il nous faut ingérer et nous approprier.
AMDS : Le mashup est en passe de devenir un art « honorable ». Je suis bien placé pour te le dire car j’ai connu l’époque où on nous traitait de voleurs et on disait que cela ne nécessitait aucun talent de prendre des images des autres pour créer un autre film. La culture du sample et du mashup est devenue très répandue dans le monde d’aujourd’hui. Et sa version cinéma commence à se faire connaitre avec de bons artistes qui sortent de l’ombre comme toi ou Fabrice Mathieu par exemple. L’étape suivante est le long métrage mashup et, comme tu nous y pousses, il faut qu’on soit (nous les français) les premiers à le faire ! Comme les Daft Punk pour la musique à leur époque.
Le capitalisme est moribond mais il s’accroche encore (d’autant plus ?) à ses biens et ses propriétés. Comment penses-tu que vont réagir les studios Hollywoodiens qui ont produit la totalité des images que tu recycles ? Tu as eu des retours de leur part sur le premier épisode Hell’s Club ? Leur regard sur les mashupeurs a-t-il évolué ?
AMDS : En fait, les studios Hollywoodiens ont toujours eu un regard bienveillant sur mon travail, en tout cas tous ceux que j’ai rencontrés. Moins les juristes. Mais en ce moment, ils réfléchissent à des solutions car ils voient là une opportunité pour produire des films à moindre coût, logique (sourire). Les choses évoluent et on n’est pas à l’abri de voir débarquer des longs métrages mashups blockbusters officiels. On peut presque tout faire mais il y encore des limites techniques et de temps, surtout de temps.

 

L’idée de départ, c’était une trilogie ? Aurons-nous la chance de voir un troisième volet ou tu es rincé ?
AMDS : Je suis rincé mais j’en ferai un troisième. Pour tout te dire j’ai déjà commencé en fait (sourire). J’ai déjà des idées de dingue qui se bousculent dans ma tête. Il sera assez différent. Ce sera un hommage à un acteur, « un méchant » en particulier. Normalement John Travolta sera le nouveau patron du Hell’s Club, son titre « HELL’S CLUB, ODE TO JOY » (« Hymne à la joie » en français) … mais je vais bosser sur mon long métrage VITAE UMBRA pendant un temps avant.
La pop culture américaine est ta culture, je crois qu’on l’a bien compris (sourire). Ne pourrais-tu pas cependant envisager un jour de faire voyager ton concept vers d’autres horizons cinéphiliques ?
AMDS : Non car c’est un travail de passioné et c’est la pop culture américaine qui me plait mais on n’est pas l’abri d’un changement de genre. Mon créneau actuel est le mashup blockbuster. Or mon projet mashup hommage à ROCKY BALBOA,ce ne sera pas un blockbuster. C’est juste que comme j’essaie de créer un monde tangible comme pour hell’s club ou faire évoluer Rocky, je galère pas mal. Et en ce moment, je travaille sur un spin off de Hell’s Club qui se passera dans les toilettes de la boîte ! Pour tout te dire, j’avais d’abord prévu de mettre ces scènes dans HELL’S CLUB ANOTHER NIGHT mais on perdait en tension. Du coup, je les ai enlevées et j’ai eu l’idée d’en faire un spin off de 5 à 6 minutes. Même s’il y aura toujours de l’action, ce sera plus léger et je l’espère plus drôle. Je te file les trois premiers screenshots que je viens de terminer aujourd’hui. 
Critique du film par nos frères d’âme du Cinéphile Anonyme

screenshot spin off hell's club

screen 2 spin off hell's club

 

screen 3 hell's

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