Passage du côté clair-obscur de la force

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                                                Bonjour lecteur ! J’sais pas vous mais moi voir un mec enfiler son pyjama chauve-souris ou faire des sushis de méchants au sabre-laser, ça me fait du bien. Et désormais, nous ne sommes plus obligés de nous contenter de consommer l’imaginaire; nous pouvons le remodeler. Suivre l’enseignement des maîtres Jedi mashupeurs, vous désirez ?

 

                                                                    Vous qui êtes déjà un dévoreur de films, cela vous siérait d’en être aussi un créateur ? Pas obligatoirement dès aujourd’hui, hein, mais demain quand votre boulot vous laissera un peu de temps le soir, quand vous ferez un break niveau relation amoureuse fusionnelle, quand les enfants seront plus grands. La question du « quand exactement » je ne puis y répondre. En revanche, je suis en mesure d’affirmer qu’en 2015, le passage du côté clair-obscur de la force est désormais de l’ordre du possible pour chacun d’entre vous grâce au mashup. Entendons-nous bien : je ne suis pas en train de dire que vous deviendrez tous de grands cinéastes. Je prétends juste que les outils sont désormais à la portée de chacun de vous. Vous avez un ordinateur ? Vous avez Internet ? Vous pouvez donc vous y mettre.
                        Car figurez-vous que vous n’avez plus besoin d’acheter de caméra, de micro et tous ces autres bibelots qui seront mentionnés dans les prochains livres d’histoire et définis comme du “matériel de création cinématographique utilisé principalement au XXème siècle”. L’homo realisatus numericus n’a plus besoin de tourner des images. Il y en a déjà bien assez d’accessibles sur la toile. Il ne vous reste alors plus qu’à appliquer pendant des centaines d’heures le fameux COPIER + COLLER + TRANSFORMER + PARTAGER dont je vous ai déjà parlé.
                        Pour créer des œuvres audiovisuelles, le mashupeur n’est pas dans l’obligation de réunir et manager toute une équipe de techniciens. En ce sens, son geste créatif se rapproche plus de celui du peintre que du réalisateur de films. Bien sûr, rien ne vous empêche de collaborer avec d’autres créatifs de l’ère numérique. Vous pensez n’avoir absolument rien à raconter au monde ? Que nenni ! Allez donc fricoter avec un auteur de fan fiction ! Il vous donnera cette étincelle qui vous manque et qu’il est allé chercher chez les grands de son monde. Vous verrez que si vous n’êtes pas doué pour allumer un feu, vous l’êtes peut-être pour l’alimenter, donner de la lumière et de la chaleur à tous ceux qui voudront bien s’asseoir autour. Votre apport transformatif peut être ferme bien que modeste.
Comme Andy Schneider et Jonathan Britnell, vous pouvez concentrer votre créativité sur l’unique fait de collectionner. Collectionner tous les pains distribués par Jason Statham durant sa carrière de Jésus-Christ le retour et pointer au passage la monotonie créative de certains. Ou au contraire encenser l’imagination sans borne d’autres :
             

 

                                                                      Si vous n’êtes pas encore un super spécialiste du lexique mashup, sachez que cette collectionnite obsessionnelle dont sont sévèrement atteints Schneider & Brittnell porte le nom de Supercut. Les mashupeurs supercuteurs nous amènent à revoir notre vie sous un angle complètement nouveau. Toutes ces années que l’on a passées ensemble au cinéma à avaler des chocolettis –  et non du popcorn car je dévore le foie de tout mangeur de trucs craquants qui a l’outrecuidance de s’asseoir à côté de moi en salle ; toutes ces heures à s’enfiler seul des films et des séries devant la télé en mangeant des chips dans un état végétatif qui poussaient notre génitrice à nous renier ; en fait, tout ce temps de cerveau disponible n’était autre qu’une préparation super intense qui crie désormais son envie de jaillir de nos tripes et de se matérialiser en mashup. Nous sommes des surhommes nietzschiens dont la “seule tâche est la transfiguration de l’existence” – si j’en crois mon copier-coller de Wikipédia.
Et comme tout super-héros, nous avons besoin de temps pour arriver à bien porter le costume. La preuve en images mashupées par Jacob T.Swinney :

 

                                                                        Je pousse donc ceux qui n’ont pas encore mangé des images à “inagir” ainsi un temps sans complexe afin d’être un jour prêts à changer le monde ! Ce jour viendra, car comme le dit si justement Ariel Kyrou « De la même façon que les Indiens d’Amérique ne pouvaient vivre s’en amadouer le bison, la pierre et le brin d’herbe, les jeunes urbains de notre temps ressentent l’urgence de s’emparer de leur environnement numérique de sons et d’images plutôt que de le subir. Pour ne pas devenir de simples moutons de l’âge digital. » Ce long chemin de l’ingurgitation à la création, Alexandre Gasulla l’emprunte simplement en sublimant ceux qu’il aime. Georges Miller, ON T’AIME !!!
                                                                                     Y aviez-vous pensé à cette communauté d’âme entre Mad Max le tonitruant, Babe le cochon parlant et Mumble le pingouin dansant ? Avez-vous senti cet élan que Gasulla insuffle incessamment à ses mashup et par conséquent à la filmographie du réalisateur-filmeur qu’il vous expose en majesté ? Il semblerait qu’il suffise d’avoir beaucoup d’amour pour être un créateur. Un créateur fauché qui doit rester dans les clous. Car vous et moi ne vivons pas au pays des merveilles ; les Bisounours vieillissent mal ; Mickey, Disney et compagnies nous enfument. Si certains tribute de Gasulla ont été censurés sur Youtube par des ayants droit, montrer vos collections et rendre hommage n’est en général pas un souci pour eux. Mais, étrangement, ils perdent toute intelligence quand la déclaration d’amour prend des atours plus critiques. Et si nous cherchons des moyens d’être rétribués pour notre travail, ils vous envoient les avocats.Nous avons donc le droit de créer des œuvres mashup mais pas de gagner notre vie avec.
                               Car peut-être qu’un jour vous prendrez tellement goût à ce passe-temps mashupesque que vous voudrez en faire votre métier ? Dans l’univers en devenir, cinéphiles et cinéastes seront de plus en plus nombreux à vouloir travailler des images empruntées sur la toile. Pour ma part, cela fait déjà dix ans que je ressens le besoin de recycler des images. Après ma période de filmeur-réalisateur fin de siècle, j’ai réalisé des films d’archive en demandant tout à fait normalement les droits… jusqu’à travailler sur un film pendant un an qui ne voit toujours pas le jour car un héritier de ces images d’archive a finalement trouvé le montage trop “moderne”.
                               Au-delà de l’anecdote, je suis tout à fait conscient que les questions de droits d’auteur sont complexes et sensibles. Moi-même, j’ai longtemps été cramponné à mes films comme Harpagon à sa cassette. Je protégeais leur mise en ligne par un mot de passe. Puis, j’ai compris que cette façon de faire appartenait à un autre temps. Une bien meilleure manière de faire fructifier mon travail était de l’exposer à tous. De plus, les œuvres des autres me permettent de fabriquer les miennes. Il est donc tout à fait naturel qu’elles puissent être à leur tour recyclées, non ? Petit à petit, j’ai commencé à comprendre la différence entre copyright et droits d’auteur. Je me suis intéressé aux licences Creative Commons et à la notion de Domaine Public dans l’art.
                              C’est là que je voulais vous amener. Le temps que nous livrions bataille sur l’extension du droit à la courte citation des images, vous pouvez dès aujourd’hui mashuper en toute tranquillité en allant faire la cueillette en des lieux sanctuarisés où les images sont libres de droits. Des jardins d’Eden où les images, les sons et les musiques trottinent et batifolent pour le bien commun de la créativité. Sur Mashup Cinéma, nous vous en avons répertorié quelques uns. Et grâce à eux, j’ai confectionné pour vous une vidéo Manifeste du Cinéma Libre :

 

                                                            Comme vous l’avez compris, passer à l’acte créatif est une force que les Maîtres Jedi mashupeurs peuvent vous insuffler. Mais ils ne pourront jamais vous imposer une morale que vous ne vous imposez pas à vous-même. Il y aura des chausse-trapes à éviter, jeunes skywalkers, et il ne faudra pas se laisser happer par le côté obscur de la force. La création se trouve dans le clair-obscur. Nous sommes à J-13 du débarquement galactique. Avant de passer à l’action, alors que tout le monde s’agite, je vous propose quelques devoirs à la maison avec une studieuse et foutraque révision Star Wars à la sauce mashup : les six opus surimpressionés en un seul film muséal par l’esthète multicouches Maurcs Rosenstrader. Et au défi, je te mets. Un vrai fan, un dur de dur, tu crois être ? Si ce Star Wars Wars en entier et d’une traite tu arrives à regarder, le resto je t’offre !