Entrevue avec le studio GUMP

The Red Drum Gateway 1

Princes de l’incruste, marieurs de mondes, Adrien Dezalay, Simon Philippe et Emmanuel Delabaere font l’actualité du cinéma mashup et ils la font bien. La French Touch est au sommet de sa forme. Rencontre avec les créateurs de The Red Drum Getaway qui parlent d’une seule voix sous la bannière Gump.

 

Dans votre film, j’ai avant tout été happé par son côté “mise en abyme”. Par exemple, les personnages de Shining regardant 2001, l’Odyssée de l’Espace à la télévision ou cette perspective avec Full Metal Jacket en avant-plan et Shining dans l’entrebâillement de la porte à l’arrière. Cette folle invasion fait sens avec le monde numérique d’aujourd’hui où il y a pléthore d’images qui se croisent, se marient, non ?

GUMP : C’est vrai qu’à l’heure du mème, du gif et du mashup, notre idée de collage absurde ou de mise en abyme surréaliste paraît assez évidente !

 

Toutes ces portes et ces passages, c’était décidé dès le début du projet ? Tout était écrit par avance ou certaines idées sont venus en faisant ?

GUMP : Non. Nous avons conçu la vidéo de manière assez empirique : les plans et les errances de James Stewart ont servi de rails à notre narration. Son entrée dans le terrier du lapin (dans L’homme qui en savait trop) était une chance pour nous, car il nous permettait un basculement dans l’univers de Kubrick. Les portes qui se trouvent dans les « tableaux » de la seconde partie sont là de manière fortuite puisque notre choix de décor se basait avant tout sur l’ambiance et les possibilités de détournement du plan.

 

Vous êtes trois à être crédités au montage. Comment on monte un film à trois ?

GUMP : Ce film s’y prêtait assez bien puisqu’il a été construit comme un cadavre exquis. L’écriture s’est faite en même temps que le montage : nous mettions nos idées en commun, et l’un d’entre nous les testait avec le logiciel. Le montage s’est donc déroulé par petites touches, sur environ un mois. Une fois la trame principale posée, nous avons affiné les raccords et le son chacun notre tour selon l’emploi du temps.

 

Quand certains disent « Le mashup ? Easy ! C’est quand même plus facile et rapide de faire avec les images des autres que d’en tourner des nouvelles », vous leur répondez quoi ?

GUMP : Même si ça paraît plus rapide ou facile pour un tas de raisons pratiques évidentes (notamment pas de tournage), ça restreint également nos choix qui sont dictés principalement par la matière disponible. Le cinéma décide de la matière, et le mashup dépend de celle ci. Notre scénario est contraint par les plans déjà tournés. Pour The Red Drum Getaway, on s’est parfois arrachés les cheveux pour trouver une pirouette ingénieuse afin de s’en sortir. C’est une liberté oui, mais aussi une contrainte. Contrainte qui pousse à être créatif.

 the red drum 2

Vous préférez glaner, collecter ou transformer ? Quel rapport entretenez-vous avec la matière que vous empruntez ? Quels outils utilisez-vous pour glaner des images et pour les transformer ?

GUMP : Notre concept de base était assez différent du résultat final. L’idée était de créer des tableaux surréalistes sans narration, en créant par exemple un paysage composé de cinq paysages cultes du cinéma. Notre idée a évolué vers quelque chose de moins abstrait, mais vous pouvez retrouver ce concept dans le plan de Barry Lyndon avec les jumelles de Shining et le vaisseau de 2001. Vu que le but premier était donc de transformer la matière, nous pensons pouvoir dire que c’est ce qui nous intéresse le plus.

Nous avons utilisé adobe After Effects et Final Cut Pro 7 pour réaliser la vidéo.

 

Qu’est-ce qu’on ne trouve pas dans le cinéma traditionnel et que l’on trouve dans le cinéma mashup ?

GUMP : Nous pensons que l’on retrouve dans le cinéma mashup tout ce que l’on trouve dans le cinéma traditionnel (et inversement), à part quelques détails : un casting de stars hollywoodiennes sans débourser un centime ; des acteurs morts qui donnent la réplique à des acteurs vivants.

 

Le cinéma d’emprunt a toujours existé. Pourquoi, selon vous, connaît-il un tel engouement aujourd’hui ?

GUMP : Le mashup fait appel à la fibre nostalgique du public. Si les oeuvres sont relayées par les médias, c’est principalement parce qu’elles recyclent des films cultes ou font appel à des stars que les spectateurs affectionnent. A notre avis, peu de personnes ont cliqué sur « play » pour l’histoire en elle même, mais plutôt parce qu’elles aiment Hitchcock ou Kubrick. C’est ce qui plait tant dans le mashup : voir ces films que l’on adore remodelés, découpés, vidés de leur sens premier, etc. C’est un plaisir ludique de cinéphile. Aujourd’hui, le genre explose grâce à la démocratisation des outils et surtout à un mode de diffusion rêvé : internet.

 

Quels sont vos prochains projets mashup ?

GUMP : Parfois, on se dit : « Ah ça serait marrant de mélanger ça avec ça » et puis on repense aux mois que l’on a passé à détourer les plans image par image et on abandonne l’idée.

Il nous faut un peu de temps pour reposer nos mains meurtries et nos yeux bouffis. Pour l’instant, on essaie de réfléchir en dehors du concept « mashup » pour essayer d’autres choses. Qui sait, peut-être qu’on finira par y retourner sans même s’en rendre compte !

 

Entretien mené par Julien Lahmi

 

CADEAU BONUX = Le fameux Questionnaire de Bernard Pivot sauce mashup