ENTREVUE AVEC MARGHERITA BALZERANI


Curatrice et spécialiste du rapport entre le virtuel et l’art contemporain, Margherita Balzerani est actuellement en charge de la Direction Générale de l’IMPA, Institut des Métiers d’Art et du Patrimoine en nord-pas-de-calais. Elle est avant tout pour moi celle qui m’aura fait découvrir le « machinima »: technique permettant à tout un chacun de s’emparer des images conçues à l’intérieur des jeux vidéo pour réaliser ses propres histoires. Elle est en effet la fondatrice du festival Atopic (par le biais de l’association Humanatopic) qui pendant 4 ans (de 2009 à 2012) a présenté au grand public des machinimas et discuté de ses principaux enjeux.

Comment s’est créé le festival Atopic ?
En 2007 c’était le début de Second Life et je m’intéressais alors aux mondes virtuels et au passage d’un réseau virtuel à la réalité. Sur Second life on pouvait organiser des conférences avec de vrais intervenants, ou par exemple organiser des rencontres avec des artistes. J’ai crée l’association Human atopic pour travailler là dessus, montrer qu’on peut faire des ponts, que l’un n’est pas contre l’autre. Le travail notamment du philosophe Bernard Stiegler et du sociologue Dominique Cardon (Laboratoire des usages d’Orange Labs et chercheur associé au Centre d’études des mouvements sociaux (EHESS)) sur les mutations des usages est très intéressant.
En 2008  a lieu la première édition d’Atopic pour mettre en avant les nouvelles pratiques machinima et aussi mettre en avant l’histoire de cette pratique. J’ai arrêté après la quatrième édition parce que je suis partie dans une autre direction, je n’avais plus le temps de m’occuper d’Atopic, mais Isabelle Arvers qui est une super curatrice (voir l’entretien d’Isabelle Arvers pour mashupcinema ici) continue à faire beaucoup d’expositions.
Aujourd’hui  les jeunes constituent une génération très active, ils font du mashup, du machinima, filment sur leurs téléphones portables (pocket film festival), montent eux même leurs créations. Ils sont dans une optique dynamique, ils utilisent du contenu et en produisent. Nous par le biais du festival, on voulait explorer cela.
Quelles sont vos œuvres favorites ?
Par manque de temps je ne peux pas tout explorer, une artiste qui m’intéresse particulièrement en ce moment fait des performances avec des drones  : Agnès de Cayeux.
Sinon pour le machinima, je peux vous citer quelques pépites, j’aime bien les expérimentaux. Un de mes chouchoux,  que j’ai découvert, c’est Benjamin Nuel qui a intégré Le Fresnoy (école d’art contemporain). Lorsqu’il a dit à l’école qu’il voulait faire du jeu vidéo on l’a regardé avec de gros yeux et il a fait HOTEL avec Arte qui est remarquable. Bande annonce ICI Il y a un dailymotion où vous pouvez retrouver tous les films du festival Atopic 
Quelle est la relation entre l’auteur et l’éditeur de jeu ? Avez-vous remarqué une évolution ?
C’est toujours compliqué. Je peux vous dire ma position. On a travaillé avec des éditeurs de jeux, Benjamin Nuel n’a pas eu de problème car il a crée HOTEL à partir de son propre jeu en collaborant avec CCCP (développeur de jeux vidéo et serious game).
Electronicarts au début était contre ces bidouillages de leurs jeux mais très vite ils ont compris qu’il y avait là aussi un bon moyen de communiquer autour de leurs jeux. Pareil pour Rockstar l’éditeur de Grand Theft Auto qui a utilisé les machinimas de leur joueurs pour promouvoir leurs créations (« Running, Man » par exemple est un machinima réalisé sur GTA 5 et financé par Rockstar même).
Cette question n’est pas résolue, certains éditeurs acceptent et d’autres non, après à ma connaissance il n’y a jamais eu d’attaque de la part d’un éditeur.
Est-ce que vous constatez un changement en termes de narration des machinimas ?
En quatre ans je pense que les compétences des éditeurs et des machinima makers a évolué.
Honnêtement, je pense qu’il y a une grande fascination pour les codes de la cinématographie et c’est normal, un langage prend du temps à créer ses codes. Machinima est un terme hybride qui comprend pleins de choses à la fois : machine, ordinateur, animation et jeu vidéo. Je pense que c’est plus intéressant de parler de ces expériences comme étant des expériences de remix culture. C’est un mouvement contemporain intéressant qui permet de donner le portrait d’une génération.
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Quels sont vos projets à venir ? Un retour d’Atopic est-il envisageable ?
Malheureusement je n’ai pas le temps. Je fais un livre sur le machinima avec Isabelle Arvers mais pour le reste je laisse la place à de jeunes curateurs pour expérimenter cela.
Mon projet actuel c’est de faire la promotion des artisans d’art. Ce qui est intéressant d’un point de vue exploratoire c’est de voir quelle est la place du numérique par rapport à l’artisanat classique, l’exploration des nouveaux moyens de production comme l’imprimante 3d et la dynamique des makers qui se marie avec un savoir-faire.